Insécurité à kinshasa

Publié le 6 décembre 2025 à 18:05

Kinshasa face à la montée du banditisme : l’absence de Constant Mutamba relance le débat sur l’efficacité de l’État


Depuis plusieurs mois, la capitale congolaise connaît une recrudescence inquiétante d’actes de criminalité urbaine : agressions nocturnes, braquages à main armée, activisme accru des « kulunas », phénomènes de gangs dans les quartiers populaires. Alors que les habitants dénoncent une insécurité grandissante, une question revient avec insistance dans les milieux politiques et citoyens : le départ de Constant Mutamba du ministère de la Justice a-t-il laissé un vide qui favorise l’expansion du banditisme ?

Un ministre de la Justice qui avait marqué par une ligne dure

Nommé en mai 2024, Constant Mutamba avait rapidement imposé un style direct, volontariste, parfois controversé. Sa promesse de restaurer l’autorité de l’État dans la capitale passait par des mesures fortes :

L’annonce d’une peine de mort contre les kulunas appréhendés, qui avait relancé un débat national sur les méthodes répressives.

Le démantèlement de réseaux criminels opérant dans les communes de Bandalungwa, Matete, Masina ou encore Ndjili.

Des initiatives inédites de réformes judiciaires : bancarisation des frais de justice, lutte contre la corruption judiciaire, États généraux de la Justice, consultations citoyennes pour dénoncer les abus.

Une volonté assumée d’utiliser la Justice comme instrument de sécurisation urbaine, dans une capitale parfois livrée à elle-même.


Si ses méthodes divisaient, rares étaient ceux qui niaient son énergie politique et sa capacité à imposer l’ordre dans une administration souvent paralysée.

Sa chute politique : un tournant brutal

L’arrestation puis la condamnation de Mutamba à trois ans de travaux forcés ont marqué un tournant. En quelques semaines, celui qui incarnait une lutte frontale contre les bandes urbaines s’est retrouvé écarté du pouvoir.

Avec son départ, plusieurs observateurs notent un affaiblissement des initiatives qui avaient été lancées. Certains de ses projets ont été suspendus, d’autres ralenti, et la continuité institutionnelle n’a pas toujours été assurée.

Pour une partie de la population, la perception est claire : l’État a perdu un acteur déterminé à combattre les réseaux criminels, et cette absence se ressent dans les rues.

Une montée visible de l’insécurité dans la capitale

Depuis début 2025, plusieurs indicateurs pointent vers une augmentation du banditisme à Kinshasa :

Des braquages meurtriers ont été rapportés dans des quartiers comme Matete, Limete, Masina et Kingasani.

Les « kulunas » autrefois traqués semblent reprendre du terrain dans certains axes.

Selon plusieurs sources locales, la capitale a enregistré au premier trimestre 2025 un taux de criminalité parmi les plus élevés de ces dernières années.

Les habitants évoquent une peur croissante, notamment lors des déplacements nocturnes.


Si les statistiques officielles sont parfois contradictoires, le ressenti général va dans le sens d’une insécurité grandissante.

Pourquoi l’absence de Mutamba est perçue comme un facteur aggravant

Politiquement, l’idée que la criminalité a augmenté après la chute de Mutamba s’explique par plusieurs raisons :

1. Un vide dans la continuité du leadership sécuritaire

Mutamba incarnait une posture forte : il parlait de « tolérance zéro » contre les criminels et mettait une pression publique sur les procureurs, magistrats et services de sécurité.
Son départ a créé un vide symbolique et opérationnel que l’État peine à combler.

2. Les gangs interprètent un relâchement

Dans les quartiers sensibles, la criminalité est très sensible aux signaux politiques.
Quand la tête de la justice tombe, certains groupes interprètent cela comme un affaiblissement de l'État, favorisant la réorganisation des réseaux criminels.

3. L’institution judiciaire reste fragile

Même durant le mandat de Mutamba, la Justice souffrait de :

manque de moyens,

corruption structurelle,

lenteur des procédures,

prisons surpeuplées et mal sécurisées.

Sans un ministre actif, ces fragilités se renforcent.

4. Les causes profondes du banditisme n’ont pas été résolues

Pauvreté, chômage des jeunes, manque d’opportunités, explosion démographique urbaine, déplacements internes depuis l’Est…
Le contexte social nourrit le crime.
Mutamba attaquait les symptômes avec force ; son absence laisse ces forces sociales évoluer sans contrepoids.

Mais attention : tout ne dépendait pas de lui

Il serait réducteur de prétendre que la montée de l’insécurité ne dépend que de son absence.
Le banditisme à Kinshasa est un phénomène :

ancien,

enraciné dans la pauvreté,

alimenté par la faiblesse institutionnelle,

aggravé par les crises nationales (guerre à l’Est, pression économique).


Mutamba n’était pas un « homme providentiel », mais bien un accélérateur politique qui avait imposé un rapport de force clair.
Son absence se ressent plus comme un affaiblissement de la volonté politique globale que comme la seule cause directe de la criminalité.

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